

Le procès Bolsonaro entre dans le vif du sujet, avec les premiers témoignages
La Cour suprême du Brésil a débuté lundi l'audition de témoins-clés du procès contre l'ex-président Jair Bolsonaro pour tentative présumée de coup d'Etat, et un ancien commandant de l'armée a confirmé avoir participé avec l'accusé à une réunion où il était question d'un décret d'"état de siège".
Jair Bolsonaro, 70 ans, est accusé d'avoir ourdi de longue date avec des proches collaborateurs un complot pour se maintenir au pouvoir quel que soit le résultat de la présidentielle d'octobre 2022, qu'il a finalement perdue face au président actuel de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.
S'il est déclaré coupable, l'ancien chef de l'Etat (2019-2022) encourt une peine cumulée pouvant avoisiner les 40 ans de prison.
Plus de 80 personnes ont été appelées à témoigner, par la défense ou l'accusation. Parmi elles, des militaires haut gradés, d'anciens ministres, des policiers ou des agents de services de renseignement.
L'audition, en visioconférence, a été ouverte par Alexandre de Moraes, magistrat chargé du dossier, que Jair Bolsonaro qualifie de "dictateur".
Le témoignage le plus attendu de la journée était celui du général Marco Antonio Freire Gomes, commandant de l'armée de terre durant le mandat de l'ex-président.
Il a confirmé avoir participé le 7 décembre 2022, entre la victoire de Lula et son investiture, à une réunion avec M. Bolsonaro, lors de laquelle a été évoquée l'élaboration d'un décret d'"état de siège" pour réfuter le résultat de l'élection.
"Je l'ai averti (...) qu'il pourrait avoir de sérieux problèmes, avec des implications judiciaires", s'il prenait de telles mesures, a déclaré le général lors de son audition.
- "Noyau crucial" -
Jair Bolsonaro a lui-même participé à la visioconférence. Il était vêtu d'un t-shirt jaune, la couleur du maillot de l'équipe nationale brésilienne, arborée par ses sympathisants lors de manifestations.
Il a toujours nié toute velléité putschiste, criant à la "persécution politique".
La semaine dernière, il a comparé lors d'un entretien avec le site Uol les accusations du parquet à un "scénario de telenovela", ces feuilletons télévisés latino-américain aux rebondissements rocambolesques.
L'ancien capitaine de l'armée sera jugé avec sept anciens collaborateurs accusés d'avoir fait partie du "noyau crucial" du complot présumé, dont quatre anciens ministres, un ancien commandant de la marine et le chef des services de renseignement durant sa présidence.
Un rapport de près de 900 pages de la Police fédérale détaille le plan présumé, qui aurait prévu, entre autres, l'élaboration d'un décret d'état de siège, mais aussi l'assassinat de Lula.
Le coup d'Etat n'a finalement pas eu lieu, faute de soutien de membres du haut commandement militaire, selon le parquet.
L'enquête se penche également sur les émeutes du 8 janvier 2023, quand des milliers de bolsonaristes ont envahi et saccagé les lieux de pouvoir à Brasilia, une semaine après l'investiture de Lula.
M. Bolsonaro se trouvait aux Etats-Unis ce jour-là, mais il est soupçonné d'avoir été l'instigateur des émeutes, qui étaient selon le Parquet l'"ultime espoir" des supposés putschistes.
- "Peine de mort" -
Les auditions de témoins qui ont débuté lundi "peuvent servir à identifier d'éventuelles contradictions entre les différents témoignages ou au sein d'un même témoignage", explique à l'AFP Rogerio Taffarello, expert en droit pénal à la Fondation Getulio Vargas.
Le général Freire Gomes a confirmé avoir participé à la réunion de décembre 2022 avec Bolsonaro, mais a nié avoir menacé de le faire arrêter, contrairement à la version de l'enquête policière.
"Je vais donner au témoin une chance de dire la vérité", a réagi le juge Moraes, face à cette apparente contradiction.
Après ces témoignages, le procès se poursuivra ces prochains mois avec les auditions des accusés, puis les réquisitions du parquet et les plaidoiries de la défense.
L'étape finale sera le vote des cinq magistrats -- dont le juge Moraes -- de la première chambre de la Cour suprême, qui doivent décider s'ils condamnent ou non les accusés et, le cas échéant, fixer les peines.
Jair Bolsonaro a déclaré à Uol que toute condamnation serait "une peine de mort, physique et politique".
Il espère encore faire annuler son inéligibilité pour participer à la présidentielle de 2026, où il pourrait de nouveau avoir Lula pour adversaire.
B.Schmidt--NRZ