

Au Népal, les familles des victimes des émeutes veulent croire à un avenir meilleur
"Il rêvait de mourir en ayant été utile à son pays". Santosh Bishwakarma, 30 ans, a été abattu lundi par les forces de l'ordre dans une rue de Katmandou alors qu'il manifestait contre le gouvernement, et sa femme est inconsolable.
Dans sa petite maison de la capitale népalaise encombrée de ses proches venus partager son deuil, Amika Bishwakarma, 30 ans elle aussi, peine à évoquer le souvenir de son mari.
"Il avait l'habitude de dire qu'il ne voulait pas mourir comme un chien", lâche-t-elle entre deux sanglots. "Il voulait que le Népal soit reconnu dans le monde, et ne pas mourir avant d'y avoir contribué. Je crois qu'il a réussi".
Santosh avait rejoint lundi le cortège de ces jeunes réunis sous la bannière de la "Génération Z" qui dénonçaient le blocage des réseaux sociaux et la corruption des élites du pays.
Il est tombé lorsque la police, débordée, a ouvert le feu sur les manifestants. Une vingtaine d'entre eux ont été tués, des centaines d'autres blessés.
La répression a nourri la colère de cette "Gen Z", qui est revenue le lendemain dans les rues de la capitale et a incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: parlement, bureaux ministériels, tribunaux, jusqu'aux résidences de plusieurs dirigeants.
Le Premier ministre KP Sharma Oli n'a eu d'autre choix que de démissionner.
Respectée pour son indépendance, l'ex-cheffe de la Cour suprême Sushila Kari, 73 ans, a été nommée vendredi soir à la tête d'un gouvernement provisoire chargé de conduire le pays jusqu'à des élections prévues dans six mois.
Son entrée en fonction semble satisfaire de nombreux Népalais mais pas Amika Bishwakarma, désormais toute seule pour élever son fils Ujwal, 10 ans, et sa fille Sonia, 7 ans.
- "Un peu de justice" -
"Mon mari aurait tout fait pour leur permettre de réaliser leurs rêves, même au prix de sa vie", assure-t-elle. "Mais comment je vais pouvoir y arriver seule maintenant ? Il a sacrifié sa vie pour le pays, j'espère que le gouvernement va m'aider".
Quand il a appris la mort de Santosh, son ami Solan Rai, 42 ans, a accouru au chevet de sa veuve.
Après les violences de la semaine, il veut croire à des jours meilleurs pour son pays. "je n'avais jamais vu pareille colère", note-t-il, "j'espère que cette fois, ça va enfin changer".
D'autres veulent croire que la mort de leurs proches ne sera pas vaine.
Ce vendredi, ils étaient des centaines à se presser dans le temple de Pashupatinath, à Katmandou, pour assister à la crémation d'un fils, d'un frère ou d'un ami tué cette semaine.
"J'espère que de tout ça sortira une forme de justice, que notre peuple obtiendra enfin les changements qu'il cherche désespérément depuis si longtemps", espère Ratna Maharjan en pleurant son fils, tué d'une balle tirée par un policier.
Sur les marches du temple, au bord du fleuve Bagmati, une femme vêtue de rouge s'accroche désespérément à la dépouille de son fils, qu'elle refuse de voir partir en cendres.
Un peu à l'écart, des policiers déposent des gerbes de fleurs sur le cercueil d'un de leurs collègues, mort lui aussi pendant les émeutes. La police a fait état de 3 morts dans ses rangs.
Avant de retourner au silence de son deuil, Amika Bishwakarma fait un dernier vœu, plus politique.
"On ne demande pas la lune", glisse-t-elle d'une petite voix. "On veut juste un peu plus d'égalité, que les riches ne prospèrent pas pendant que les pauvres continuent à dépérir".
L.Koch--NRZ