

Trump dîne avec les acheteurs de sa cryptomonnaie, l'opposition démocrate dénonce un trafic d'influence
Donald Trump a reçu à dîner à huis-clos jeudi les 220 plus gros détenteurs de sa cryptomonnaie, un événement à la croisée du pouvoir et de l'argent, scandaleux pour l'opposition démocrate, qui crie au conflit d'intérêt.
Cette soirée, d'un genre inédit, s'est tenue au Trump National Golf Club, l'un des parcours de golf et country clubs du groupe familial, situé à Potomac Falls (Virginie), en grande banlieue de Washington.
"Les Etats-Unis dominent dans les cryptos, le bitcoin, etc, et nous allons faire en sorte que cela dure!", a écrit le président américain sur son réseau social Truth Social en marge du dîner.
Longtemps ouvertement hostile aux monnaies numériques, Donald Trump a fait volte-face durant sa dernière campagne, et le secteur a contribué à sa réélection pour plus de 100 millions de dollars.
Pour être du dîner, il fallait détenir, en moyenne entre fin avril et mi-mai, pour plus de 50.000 dollars de $TRUMP, le nom de cette devise numérique lancée quelques heures avant l'investiture de Donald Trump.
Certains, comme le milliardaire des cryptomonnaies Justin Sun, plus gros propriétaire de $TRUMP, en ont même acquis pour plusieurs millions de dollars.
Sollicitée, la Maison Blanche n'a pas fourni la liste des participants au dîner.
Selon des données communiquées à l'AFP par la société d'analyse Inca Digital, beaucoup des heureux élus ont acheté leurs $TRUMP via des plateformes inaccessibles aux internautes américains, ce qui laisse penser qu'il s'agit de ressortissants étrangers.
"Si vous pensez qu'il n'y a rien de mal, alors qu'avez-vous à cacher?", a lancé, jeudi, lors d'une conférence de presse intitulée "Publiez la liste des invités", le sénateur démocrate Chris Murphy.
Le système sur lequel s'appuient les monnaies numériques, la blockchain, garantit l'anonymat, contrairement au système financier traditionnel.
Des entrepreneurs tels le financier Bryce Paul, le patron de la plateforme Magic Eden, Jack Lu, ou le programmeur Nikita Anufriev ont fait part sur X de leur présence au gala, le dernier postant une vidéo du discours prononcé par Donald Trump.
En arrivant à l'entrée du golf, les convives ont été accueilli par des dizaines de manifestants, qui ont notamment scandé "Pas à vendre!" (Not for sale), selon des images diffusées par Our Revolution, un des groupes qui organisaient ce rassemblement.
Les 25 plus importants possesseurs ont droit, en plus du dîner, à une audience privée avec le chef d'Etat et une visite de la Maison Blanche.
Le $TRUMP a été labellisé "meme coin", classe d'actifs à but purement spéculatif qui n'ont pas d'utilité transactionnelle et pas vocation de placement.
Ses créateurs la présentent, eux, comme "l'expression du soutien et de l'engagement vis-à-vis des idéaux et des croyances" portés par Donald Trump.
Une grande partie du milieu des cryptomonnaies a mal accueilli la commercialisation du $TRUMP, l'estimant de nature à ternir l'image de cette industrie.
- "Incarnation de la corruption" -
Selon le cabinet spécialisé Chainalysis, les créateurs du $TRUMP ont empoché environ 320 millions de dollars de commissions depuis son introduction.
Ils prévoient par ailleurs d'émettre, dans les trois ans, 800 millions d'exemplaires supplémentaires, soit 12 milliards de dollars au cours actuel, qu'ils contrôleront.
"Il vend son influence et l'accès au gouvernement américain", a fustigé mercredi le sénateur démocrate Jeff Merkley, qui doit participer à un rassemblement de protestation devant le lieu du dîner, jeudi. "C'est l'incarnation de la corruption."
Un groupe d'élus démocrates a tenté de contrecarrer le vote, au Congrès, d'une loi sur les "stablecoins", des devises numériques adossés à des monnaies traditionnelles, au motif que le texte n'interdisait pas clairement au président d'en détenir.
Une start-up lancée en septembre avec le soutien du clan Trump a créé, fin mars, son propre stablecoin, USD1, qui a déjà été utilisé par le fonds émirati MGX.
$TRUMP ou USD1, "des gouvernements étrangers pourraient acheter ses cryptomonnaies, ce qui voudrait dire que Donald Trump viole la Constitution sans que le grand public ne le sache", s'est alarmé mercredi le président de l'observatoire anticorruption CREW, Noah Bookbinder.
Le document fondateur interdit ainsi théoriquement à un officiel américain d'accepter des fonds d'un gouvernement étranger sans accord préalable du Congrès.
"Il est absurde d'insinuer que le président tire profit de sa fonction", a clamé, jeudi, la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, soutenant que le chef d'Etat respectait "toutes les lois relatives aux conflits d'intérêt".
Elle a rappelé que Donald Trump avait placé l'ensemble de ses intérêts économiques et participations dans un trust géré par son fils. Le milliardaire peut néanmoins récupérer ces actifs à tout moment.
Donald Trump "a renoncé à tout pour servir notre pays", a insisté Karoline Leavitt. "Il a perdu de l'argent, et il a failli perdre la vie", a-t-elle ajouté, en référence à la tentative d'assassinat dont il a été la cible en juillet 2024.
Le magazine Forbes estime pourtant que sa fortune a plus que doublé depuis l'an dernier, passant de 2,3 à 5,4 milliards de dollars actuellement.
E.Vogel--NRZ