

En soins palliatifs, une équipe mobile hospitalière au côté de patients et soignants
"Merci beaucoup de venir me voir", souffle Rose, le regard vague. Le jour où l'Assemblée nationale légifère sur la fin de vie et la création d'un droit à "l'aide à mourir", une équipe de soins palliatifs entoure l'octogénaire, épuisée par un cancer incurable, pour adoucir sa fin de vie.
Assise sur le lit, le Dr Isabelle Triol, cheffe de service soins palliatifs sur trois sites en région parisienne dont l'hôpital Antoine-Béclère AP-HP lui tient la main et échange quelques mots avec sa fille, tandis qu'Emma Renard, psychomotricienne, s'enquiert du moral de la patiente.
Toutes deux font partie d'une équipe mobile de soins palliatifs dont le rôle est d'aider les soignants de divers services - oncologie, urgences, gériatrie, réanimation... - à prendre en charge des patients en fin de vie souvent âgés, aux pathologies multiples.
Cette prise en charge globale inclut "la gestion de la douleur du patient, ses difficultés respiratoires, ses problèmes digestifs... Et bien sûr aussi son anxiété, ses angoisses de mort, sa dépression", explique le Dr Triol, ainsi que la prise en compte de son contexte social et l'accompagnement de sa famille.
A mesure que l'état du patient s'aggrave, lorsque les traitements ne permettent pas de contrôler la maladie, il est informé des thérapeutiques possibles pour stabiliser la maladie et de leurs effets secondaires. Il pourra alors formuler ce qu'il juge important dans sa prise en charge et un "projet cohérent, ouvert et évolutif" défini avec lui, ses proches et l'équipe médicale, pourra voir le jour.
Hospitalisation en unité de soins palliatifs, "retour à la maison pour décéder parmi les siens" avec des soins à domicile, "départ vers son pays d'origine pour organiser des funérailles": les perspectives pour la fin de vie sont diverses. "Une patiente m'a dit: +Je sais que je suis condamnée, je veux passer le plus de temps possible avec ma famille+. On essaie de la sevrer de la machine qui l'aide à respirer, mais pour l'instant on n'y arrive pas", rapporte le Dr Triol.
"S'adapter à chaque situation est parfois très compliqué: un patient en grande détresse respiratoire a pu mourir chez lui car sa famille était très impliquée, une infirmière était mobilisée et les traitements nécessaires pour le soulager en cas de détresse respiratoire étaient prêts à être administrés", relate la gériatre Elise Mercadier.
La loi Claeys-Leonetti de 2016 reconnaît le droit du patient atteint d'une affection grave et incurable à une "sédation profonde et continue jusqu'au décès", afin de lui éviter une souffrance réfractaire et de subir une obstination déraisonnable.
- "Désir ambivalent" -
En réanimation, où les soins sont "lourds, invasifs, potentiellement douloureux", il faut "réfléchir sur le sens de ces soins: est-on dans une obstination raisonnable, ce qui est notre métier, ou déraisonnable, ce qui est hors la loi ?", résume le chef de service Charles Damoisel.
Collaborer avec l'équipe de soins palliatifs est "hyper vital, cela permet de réajuster notre niveau de soins pour aller vers une prise en charge raisonnée", dit-il.
Si l'accès aux soins palliatifs est un droit fondamental en France depuis 1999, seul un malade en fin de vie sur deux y a accès par manque de structures, de soignants, de moyens...
Mardi, les députés ont adopté à l'unanimité en première lecture une proposition de loi visant à renforcer les soins palliatifs.
Ils ont aussi approuvé une deuxième proposition, moins consensuelle, créant un "droit à l'aide à mourir" pour des malades atteints d'une affection grave et incurable, en phase terminale, dont la "souffrance physique ou psychologique" est "constante".
"Si la loi évolue, il faudra voir comment adapter notre pratique sans que cela heurte notre façon de concevoir le soin, afin de rester dans un accompagnement du patient". Car en soins palliatifs, "on reste dans l'intentionnalité de soulager le patient, pas de le tuer", souligne le Dr Triol.
Lorsque le patient "n'est pas soulagé, il exprime un désir de mort mais celui-ci est très fluctuant, très ambivalent", estime-t-elle. Seules quelques personnes sont "très déterminées, leur décision est prise de longue date".
Pour elle, "il faut rester dans la nuance et prendre des décisions collégiales". Car le pire serait "de revenir aux euthanasies faites à la sauvette, par un médecin tout seul, la nuit, comme lorsque j'étais encore étudiante".
A.Pohl--NRZ