

Autour de Trump, une chambre d'écho médiatique de plus en plus vaste
Images générées par intelligence artificielle, briefings réservés aux influenceurs sympathisants, "agence de presse" officielle... La Maison Blanche, en guerre avec les journalistes, construit autour de Donald Trump une chambre d'écho médiatique de plus en plus vaste.
"Je suis totalement d'accord avec le raisonnement qui sous-tend votre question", lance la porte-parole de l'exécutif américain Karoline Leavitt à un influenceur d'extrême droite, Jack Posobiec, qui vient de s'inquiéter auprès d'elle de la "violence d'extrême gauche" aux Etats-Unis.
L'échange se déroule le 30 avril, pendant une conférence de presse d'un nouveau genre, réservée à des podcasteurs et créateurs de contenu, presque toujours partisans déclarés de Donald Trump.
La porte-parole du président leur a consacré trois séances d'échanges à l'occasion des cent premiers jours du second mandat du républicain, à chaque fois une vingtaine de minutes au ton complice.
Ces rencontres sont le dernier exemple de l'écosystème médiatique parallèle que met en place l'exécutif américain, tout en attaquant sur plusieurs fronts la presse qu'il qualifie de "traditionnelle": procédures judiciaires, restrictions d'accès, coupes budgétaires.
Un "aspect unique" de la présidence Trump "est l'utilisation des technologies telles que les réseaux sociaux, les contenus gérés par algorithmes, les images générées par l'intelligence artificielle et le recours direct à des influenceurs partisans", souligne la professeure de droit Sonia Gipson Rankin, de l'université du Nouveau-Mexique.
- "Réalité alternative" -
"Cela a créé un espace de réalité alternative", estime-t-elle.
La Maison Blanche vient de lancer ce qu'elle décrit comme son propre "fil" d'agence, censé imiter la production en continu de dépêches d'agences de presse telles que l'Agence France-Presse (AFP) ou Reuters, ou encore Associated Press (AP), lesquelles ont vu leur accès au président américain réduit si ce n'est complètement supprimé dans le cas d'AP.
Le "fil" en question est une compilation de titres accrocheurs rassemblés sur une page web et renvoyant à des déclarations du président américain ou à des articles de médias majoritairement rangés dans le camp conservateur.
Les trois principales agences de presse mondiales, l’AFP, Associated Press et Reuters, sont par ailleurs dans le viseur de la patronne de l'organisme fédéral supervisant plusieurs médias publics américains à l'étranger (USAGM), Kari Lake, qui a annoncé mi-mars avoir annulé les contrats publics avec ces trois agences.
Cette figure de la droite radicale vient par ailleurs d'annoncer une collaboration de son agence avec OANN, une chaîne de télévision qui relaie les idées de Donald Trump.
Rares sont les dirigeants qui échappent à ce phénomène de chambre d'écho, mais "ce qui distingue le président Trump c'est à quel point il brouille, ouvertement, la frontière entre la fonction et lui-même", note encore Sonia Gipson Rankin.
L'exécutif américain partage sans hésitation des images mi-avantageuses mi-provocatrices du président, générées par l'intelligence artificielle et à la provenance obscure.
Cela a été le cas par exemple pour un étonnant portrait de Donald Trump en pape, diffusé vendredi par le milliardaire de 78 ans sur son réseau Truth Social, puis par le compte officiel de la Maison Blanche sur X.
- Sabre laser -
"Il n'y a rien d'intelligent ou d'amusant dans cette image, Monsieur le Président", a protesté la Conférence catholique de l'Etat de New York.
"Les catholiques ont adoré" cette image, a pourtant affirmé lundi le président américain, en reprochant aux "médias menteurs" de "n'avoir pas le sens de l'humour."
Dimanche, la Maison Blanche a publié une autre image visiblement élaborée grâce à l'IA générative.
On y voit un Donald Trump musculeux en tunique de Jedi et armé d'un sabre laser, pour marquer le 4 mai.
Cette date est chère aux fans de "Star Wars", parce qu'en anglais elle se prononce comme la devise des héros de la saga, "Que la force soit avec toi" ("May the force be with you").
Des internautes ont toutefois observé que la lame aux mains du président américain était rouge, la couleur non pas des armes des chevaliers Jedi, mais des sabres des combattants du "côté obscur" tels que Dark Vador.
S.Braun--NRZ