

Travailler en soins palliatifs, un engagement au "coeur du soin"
Elles ne sont pas là par hasard. Infirmières, psychomotricienne ou médecin, ces soignantes ont choisi d'exercer auprès de malades dont elles accompagnent les derniers jours, à l'hôpital public, dans une spécialité méconnue mais "au coeur du soin": les soins palliatifs.
"C'est un travail qui fait sens, hyper important", dit à l'AFP Emma Renard, psychomotricienne qui a rejoint il y a un an l'équipe mobile de soins palliatifs de l'hôpital Antoine-Béclère AP-HP en région parisienne.
"J'ai fait mon mémoire dessus. C'était vraiment un souhait de travailler en soins palliatifs, parce qu'on prend le temps avec le patient, les familles, les équipes: on est dans le cœur du soin", ajoute-t-elle.
Face à une personne avec un "vécu du corps qui peut être très compliqué", pour qui la maladie a "tout bouleversé", elle ne va "pas chercher à faire retrouver des facultés", mais simplement à faire renouer le patient avec "le plaisir du mouvement: on va être dans quelque chose de très contenant, de très doux", dit-elle.
Selon le code de la Santé publique, les soins palliatifs sont des soins actifs et continus, pratiqués par une équipe interdisciplinaire, visant à soulager la douleur de la personne malade, apaiser sa souffrance psychique, sauvegarder sa dignité et soutenir son entourage.
Emilie Boiffard, infirmière, a opté il y a 12 ans pour cette spécialité peu abordée pendant sa formation: un seul module y était consacré, en trois ans d'études. Elle attire "des soignants qui veulent prendre le temps de bien faire les choses", dit-elle.
Emile et Emma font partie d'une équipe mobile qui accompagne des patients de tout âge atteints d'une maladie grave, jusqu'à la fin de leur vie, ainsi que leurs familles et leurs soignants de divers services (gériatrie, oncologie...) de l'hôpital.
Car "beaucoup de soignants ne sont pas forcément au clair sur les lois qui encadrent les soins palliatifs et sur ces soins tout court", note l'infirmière Cindy Zobda. "Là où on intervient, on voit qu'ils sont en difficulté", dit-elle.
- "Travail de l'ombre" -
Le matin, deux membres de l'équipe mobile assistent aux réunions de service et tendent l'oreille pour repérer des patients dont l'état de santé se dégrade, complexifiant leur prise en charge. "Un travail de l'ombre", admet en souriant le Dr Isabelle Triol, qui dirige les soins palliatifs de trois hôpitaux de l'AP-HP: Antoine-Béclère, Paul-Brousse et Bicêtre.
Car les médecins peuvent se sentir un peu démunis face à des patients âgés aux pathologies multiples, "qui commencent à se fatiguer après un long parcours" de soins où "l'on a fait le tour de ce qu'on peut leur apporter au plan thérapeutique", explique le médecin interniste Emmanuel Dossou.
"On a souvent la tête dans le guidon, on essaie de contrôler la maladie au détriment parfois de la qualité de vie du patient. Il faut se demander s'il est raisonnable de continuer", ajoute-t-il.
Si l'accès aux soins palliatifs est un droit fondamental en France depuis 1999, seul un malade en fin de vie sur deux y a accès par manque de structures, de soignants -il en manquerait une centaine dans le pays, selon une mission parlementaire de 2023- et de moyens.
Le 27 mai, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi visant à renforcer ces soins en créant des maisons d'accompagnement et en ouvrant au moins une unité de soins palliatifs dans les 19 départements qui en sont dépourvus.
A l'hôpital Paul-Brousse, qui dispose d'une unité dédiée, le Dr Muriel Chatila sort de la chambre d'un patient qu'elle a pu apaiser, grâce à l'hypnose, le temps de la pose d'une sonde nasale. "On est là pour rendre ces moments les moins difficiles possible, voire permettre aux personnes de vivre de beaux moments avec leurs proches, malgré la maladie et la mort qui se rapproche", dit-elle.
"Chaque patient qui arrive, c'est une vraie rencontre. On fait une médecine très humaine, qui a beaucoup de sens", estime le Dr Chatila.
Selon la Cour des comptes, six malades en fin de vie sur 10 nécessitent des soins palliatifs, soit environ 380.000 personnes par an, une chiffre amené à croître "significativement" en raison du vieillissement démographique.
L.Winkler--NRZ