A Gaza, un casque de réalité virtuelle pour soulager des enfants traumatisés par la guerre
"Je vois des oiseaux", s'émerveille un petit garçon en remuant sur un fauteuil roulant. Sur ses yeux, un casque de réalité virtuelle l'a transporté loin des destructions de Gaza, ravagé par plus de deux ans de guerre entre Israël et le Hamas.
Le petit garçon est en vérité sous une tente de polyester blanc, au milieu d'un océan d'autres tentes identiques plantées sur le sable d'al-Zawayda, dans le centre du territoire palestinien.
Quatre enfants arpentent aussi à ses côtés un monde virtuel, sous le regard d'un des encadrants de "Techmed Gaza", le projet d'accompagnement thérapeutique via la réalité virtuelle auquel ils participent.
Ses responsables affirment que la méthode montre un effet plus rapide que les thérapies traditionnelles sur le bien-être psychologique des enfants.
Un garçon tend la main et la referme, comme pour saisir un insecte. Un autre sourit en avançant ses mains devant lui, semblant se frayer un chemin dans une forêt.
"Viens par ici!", lance un autre à un chien qu'il dit voir derrière ses lunettes.
"Tu es dans le même endroit que moi!", s'exclame un autre en parlant à son voisin.
Plus tôt, l'un des encadrants a très délicatement glissé un casque sur les cheveux de Salah Abou Roukab, un adolescent de 15 ans dont une blessure à la tête a déformé le crâne, et qui garde encore quelques égratignures sur la peau.
"On en profite, grâce à ça on entre dans un jardin, on se projette dedans, avec des animaux et tout ça", dit Salah Abou Roukab à l'AFP en souriant timidement.
Que voit-il ? lui demande l'encadrant.
"Il n'y a que des arbres, rien que des arbres, de l'herbe et des fleurs", décrit le garçon.
- "S'adapter" -
Abdalla Abou Chamale, superviseur du programme, explique qu'il ne s'agit pas que de permettre aux enfants de s'évader.
"Grâce aux programmeurs, nous sommes capables de concevoir des jeux ayant des objectifs thérapeutiques, préventifs et développementaux qui aident à préparer l'enfant ou à lui permettre de s'adapter et de gérer plus facilement son quotidien", affirme M. Abou Chamale.
"Cette méthode a prouvé son efficacité durant une année complète de travail avec de nombreux enfants, y compris des enfants amputés au cours de la guerre, blessés ou exposés à des événements extrêmement traumatisants", poursuit-il.
La session laisse les enfants excités, et de retour dans leur quotidien particulièrement difficile. Dans le camp de personnes déplacées par les combats et les bombardements, les conditions humanitaires restent dramatiques malgré le fragile cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre.
En 2024, la pédiatre Hanan Balkhy de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait souligné auprès de l'AFP les conséquences dévastatrices du conflit sur les enfants, avec un "impact énorme sur la santé mentale" et d'"énormes syndromes de stress post-traumatique".
L'OMS met régulièrement en parallèle les besoins en santé mentale dans la bande de Gaza et le peu de services psychosociaux disponibles, alors que plus de 70.000 personnes ont été tuées depuis le 7 octobre 2023 selon les chiffres du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas à Gaza, fiables selon l'ONU.
"Environ un million d'enfants, soit tous les enfants de la bande de Gaza, ont besoin d'un soutien en santé mentale et psychosociale après deux années d'une guerre dévastatrice", rappelle à l'AFP le porte-parole de l'Unicef dans les Territoires palestiniens, Jonathan Crickx.
Certains des ateliers proposés par "Techmed Gaza" sont spécialement conçus pour les enfants traumatisés par la guerre, et visent à les aider à reconstruire une perception positive du monde après des mois de violence.
M. Abou Chamale estime que les enfants pris en charge par le programme ont "ont eu des réactions très nettes et ont montré des résultats extrêmement positifs".
"Avec les séances normales, sans réalité virtuelle, nous avons généralement besoin d'environ 10 à 12 séances, tandis qu'avec la réalité virtuelle, nous pouvons obtenir des résultats en seulement cinq à sept séances", dit-il.
O.Klein--NRZ