

En Afrique du Sud, un radiotélescope géant attire des jeunes vers le cosmos
Lorsque Lungelo Zondi a découvert l'existence des étoiles et des galaxies à l'école primaire en Afrique du Sud, elle a rêvé de consacrer sa vie à l'exploration spatiale et aux mystères de l'univers. A 25 ans, ce rêve semble exaucé grâce à l'un des plus grands radiotélescopes au monde.
Depuis son bureau dans la ville du Cap, la jeune femme est en charge de la surveillance du MeerKat, immense radiotélescope composé de 64 larges antennes blanches, situé dans une région semi-désertique à 600 km de là.
Sur l'écran de son ordinateur, l'étudiante en ingénierie peut capter les signaux radios émis par les étoiles et les galaxies situées à des années-lumière grâce aux antennes de 13,5 m de diamètre tournées vers le ciel.
"C'est tellement intéressant et fascinant ! On collecte des données de l'univers", s'enthousiasme Lungelo Zondi, en évoquant son travail d'opératrice à l'Observatoire sud-africain de radioastronomie (SARAO), qu'elle a commencé il y a tout juste deux mois.
Depuis que l'inauguration en 2018 du super radiotélescope MeerKAT a placé le pays sur la carte de l'astronomie mondiale, de nombreux jeunes Sud-africains viennent y travailler, fascinés par le cosmos.
La SARAO a attribué 1.369 bourses à des étudiants en mathématiques appliquées, en informatique et en astrophysique, entre autres, depuis la conception du projet en 2005.
Les 64 antennes du MeerKAT, aussi impressionnantes soient-elles, ne sont que le début d'un projet encore plus vaste: l'Observatoire SKA (Square Kilometre Array), qui sera le radiotélescope au sol le plus puissant au monde lorsqu'il sera achevé d'ici à 2030.
Le projet doit relier 133 paraboles sud-africaines et plus de 131.000 antennes basées en Australie pour permettre de remonter des milliards d'années en arrière, au moment où "les premières étoiles et les galaxies ont commencé à éclairer l'obscurité", selon le site du projet.
Depuis son lancement en 2018 dans la région isolée et peu peuplée du désert du Karoo, MeerKAT a déjà "repoussé les limites de la connaissance scientifique", estime auprès de l'AFP Adrian Tiplady, directeur général adjoint de la SARAO.
Parmi ses découvertes: des images radio inédites du centre de la Voie lactée, la découverte d'immenses radiogalaxies s'étendant sur des millions d'années-lumière et le suivi des ondulations cosmiques à travers l'espace-temps.
"Nous sommes passés d'une poignée de radioastronomes il y a 10 ou 20 ans à une communauté florissante et diversifiée", se félicite M. Tiplady.
Le groupe d'astrophysique de l'Université du Cap occidental (UWC), l'une des plus grandes du pays, en a profité. "Il a démarré avec un seul membre de la faculté à l'époque (en 2011, ndlr) ainsi qu'un étudiant en doctorat", rappelle Mario Santos, 50 ans, professeur au département de physique et d'astronomie. "Aujourd'hui, nous avons environ 25 étudiants et six membres de la faculté".
- Machine à remonter le temps -
Dans la salle de contrôle des bureaux de SARAO au Cap, Lungelo Zondi et ses collègues surveillent le bon fonctionnement des antennes et leur envoient des instructions pour exécuter des observations réclamées par des scientifiques du monde entier.
Depuis 2019, il y a eu plus de 1.200 requêtes pour des temps d'observation, la plus grande partie provenant d'équipes de recherche locales, selon M. Tiplady.
"Le monde nous regarde, donc on se doit de faire les choses à la perfection", estime un autre opérateur, Sipho Molefe. L'étudiant en ingénierie électrique, âgé de 34 ans, n'avait jamais imaginé qu'il travaillerait dans le domaine de l'astronomie.
La région du Karoo, où les antennes du MeerKAT écoutent l'univers, a été identifiée dans les années 1990 comme présentant un énorme potentiel pour l'astronomie.
Le MeerKat opère dans une "zone de silence radio", où les ondes radio, les signaux de téléphones portables et les connections sans fil sont strictement contrôlés pour empêcher toute interférence.
"C'est un peu comme si nous construisions une machine à remonter le temps", estime M. Tiplady. "Des choses comme le MeerKat ou le SKA vont détecter des signaux radio qui ont voyagé dans l'univers depuis sa naissance".
"C'est une véritable merveille d'excellence scientifique et technique", dit-il. "Nous sommes fiers que l'Afrique du Sud y participe".
L.Winkler--NRZ